L'Indicible. Le Seigneur de la Tour Putride. Le Maître des Secrets. Peu osaient prononcer son véritable nom, terrifiés qu'il puisse entendre, ou pire.
Même lorsqu’il n'était qu'un jeune sorcier, Vecna n'avait pas d'égal dans l'art de la magie. Alors que d’autres passaient des lustres à se consacrer à une école de magie pour la perfectionner, il maîtrisa sans peine chacune d’elles. Après l’exécution de sa mère pour sorcellerie, son objectif vira à l’obsession et il passa le plus clair de ses études dans l’école de la magie la plus ténébreuse : la nécromancie, la magie de la vie et de la mort.
Alors que son pouvoir augmentait, son ambition crût aussi. Au fil des siècles, il se débarrassa de sa dépouille mortelle et accéda à l’état de liche. Son pouvoir fonda un vaste empire, sur lequel il régnait depuis sa Tour Putride.
Sa soif de savoir ténébreux dans le but de remplir son livre, Les Chapitres interdits, le conduisit dans de nombreux plans et royaumes. Mais ce fut dans l’un de ses propres royaumes que l’un de ses serviteurs trouva quelque chose, un sortilège, peut-être déchiré dans un tome ancien, écrit dans une langue qu’il n’avait jamais vue. Il pouvait sentir une énergie incroyablement ténébreuse s’en dégager. N’ayant aucun document dans cette langue, il lui fallut passer des mois à s’efforcer d’analyser sa syntaxe, sa phonétique, sa forme. Il documenta chaque tracé de chaque lettre, les examinant et échafaudant des théories sur leurs significations, dans un livre énorme dissimulé dans ses appartements. Lorsque ses lieutenants vinrent lui rapporter des problèmes dans leurs domaines, Vecna leur dit de s’en occuper eux-mêmes. Il devait se charger d’affaires autrement plus importantes.
Il passa des nuits sans nombre à mémoriser l’étrange écriture, tentant d’en extirper le moindre sens. Il ne délaissait que très rarement son donjon afin d’enquêter sur les rumeurs de gens qui avaient disparu sans laisser de traces dans la nuit. Devant ces scènes, il pouvait sentir la même magie étrangère qui émanait de la page déchirée. Il était convaincu que ce qui tuait ces gens avait aussi écrit ces étranges caractères.
Il était déconcerté, ce qui le rendit furieux. Les scènes, très rares et éloignées dans le temps, ne présentaient aucun modèle, aucun motif commun. Aucun signe de lutte, aucun cadavre, et seul persistait un léger bourdonnement d’énergie ténébreuse. Quel objectif avait bien pu nécessiter ces corps ?
Lors d’une nuit sombre, il fit une découverte capitale : un mot qu’il avait interprété comme signifiant « mourant » fonctionnait mieux avec le sens de « disparaissant ». Peut-être que ces gens n’avaient pas été tués du tout : peut-être avaient-ils été emportés vivants. Il appliqua cette substitution à ses notes et tout se mit en place.
Il copia ce qu’il avait appris sur un morceau de parchemin vierge, écrit phonétiquement. Il se mit à prononcer les mots à voix haute et la pièce s’assombrit. Elle se remplit d’un brouillard rampant. Il se sentit lui-même se déplacer, se rendre ailleurs. Vecna résista, lançant des sorts mémorisés, tenant le brouillard en respect. Mais alors qu’il contemplait les ténèbres, il sentit une énergie attirante en émaner, un désespoir, un mal qu’il pouvait à peine concevoir. Une curiosité malsaine le submergea, il cessa de se concentrer et laissa le brouillard l’emporter. Quoi que ce fut, le seul moyen de s’en rendre maître était de s’y soumettre. Il savait, dans son cœur froid et inerte, qu’il serait bientôt maître des secrets ténébreux de cette chose.
